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La construction bois est-elle pertinente ?

Sa part ne cesse de grimper dans le marché de la construction neuve en France, mais le bois reste considéré comme plus cher que les solutions traditionnelles. Les écarts généralement admis, de 10 à 15 % de surcoût, sont-ils effectivement vérifiés ? Eléments de réponse avec Nicolas Marot, délégué général de Futurobois et co-auteur d'une étude sur la question.

Les études se succèdent… mais ne se ressemblent pas. Il y a quelques semaines, le Bureau Michel Forgue avait été mandaté par Cimbéton pour réaliser un comparatif autour de quatre variantes d'un même immeuble d'habitation R+7 afin d'évaluer le coût réel de différentes solutions constructives, béton armé, structure bois et lamellé-croisé (CLT). Il en ressortait que, compte tenu des spécificités du projet, la solution béton était bien la moins chère. L'économiste de la construction évaluait alors le surcoût à +25 % dans le cas du CLT par rapport au béton traditionnel et +20 % environ pour une structure bois. Mais il admettait qu'une optimisation de la géométrie de la structure aurait ramené l'écart à +10/15 %, un chiffre généralement avancé dans le secteur de la construction. L'industrie du bois oppose aujourd'hui sa propre étude, portant cette fois sur des maisons individuelles. Et les conclusions sont différentes.

Afin de vérifier si construire en bois était effectivement plus onéreux que de faire appel à des solutions plus classiques (parpaing ou brique), la Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL) de la région Poitou-Charentes a missionné Futurobois (interprofession de la filière bois) afin de réaliser une comparaison économique pour l'habitat individuel selon les systèmes constructifs. Le préambule explique : "Dans le bâtiment, chaque réalisation est un exemplaire quasi-unique. Chaque client a ses propres exigences quant aux équipements de son futur logement. Cette spécificité rend difficile la comparaison des coûts de construction d'un projet à l'autre, a fortiori si l'on utilise des systèmes constructifs différents. Cette étude s'est ainsi attachée à réduire le plus possible les différences de configuration et de performances entre les projets analysés". L'étude revendique donc des écarts "plus fiables et réalistes". Nicolas Marot, le délégué général de Futurobois, nous confie : "L'idée était de disposer d'une véritable étude et d'éviter le simple dialogue idéologique, non basé sur des chiffres". Il insiste sur "la rigueur scientifique pour éliminer les biais de comparaison au maximum et de conserver qu'une seule variable : la composition de l'enveloppe".

Des résultats variant selon la présence d'un étage ou d'une mitoyenneté

Trois types d'habitats individuels ont été retenus : une maison de plain-pied d'environ 100 m², une maison à étage en R+1 de 120 m² et des logements individuels groupés en logement social public de 85 m² (voir la méthodologie détaillée dans l'encadré en page 2). Et deux niveaux de performances thermiques ont été étudiés, RT2012 (soit 50 kWhep/m².an) et Passif (<15 kWhep/m².an). Il ressort que sur les projets de plain-pied, l'écart moyen des habitations répondant à la réglementation thermique actuelle est favorable au parpaing d'environ -2 % par rapport au bois, tandis qu'avec la variante en brique, l'écart est de seulement -0,15 %. Et pour un niveau de performance accru, en maison passive, l'écart moyen est de -2,7 % en faveur du parpaing et de -0,2 % en faveur de la brique. Il faut noter que le surcoût engendré par le passage au passif est, en moyenne sur tous les systèmes constructifs, de +14 %. L'étude précise : "Les compléments d'isolation à réaliser dans les murs, planchers et toitures expliquent une part de ce surcoût (…) Mais la mise en œuvre de menuiseries à triple vitrage sur certaines orientations de façades défavorables (nord) ainsi que la généralisation de la VMC double flux sont aussi responsables de cette augmentation".

Pour les maisons à étage, l'écart moyen dans la configuration RT2012 est de -3,8 % en faveur du parpaing et -1,7 % en faveur de la brique, par rapport à une structure bois. Dans les versions passives de ces habitations R+1, les écarts s'inversent : la construction parpaing devient +1,2 % plus chère que le bois, et la brique +0,9 % plus onéreuse. La synthèse souligne : "Dans cette configuration architecturale, on remarque une inversion du rapport des prix engendré par le passage de la RT2012 au Passif, puisque le bois devient plus compétitif que les solutions maçonnées". Même si la valeur du macro-lot "Clos-couvert" est plus importante en solution bois, avec les planchers intermédiaires, une compensation s'observe dans les autres lots "Plaquisterie" et "Equipements techniques" qui sont "en forte augmentation sur les versions maçonnées, phénomène encore plus marqué sur le niveau passif". Quant aux projets de maisons individuelles accolées, la situation est relativement identique. Dans les versions RT2012, le coût de construction en parpaing est à -3,4 % par rapport au bois, et la brique à -1 %. Cependant, en version Passive, le rapport s'inverse à nouveau, avec -1,4 % pour le bois par rapport au parpaing et -0,9 % pour le bois face à la brique. L'isolation thermique par l'extérieur entraîne un surcoût tandis que les surfaces plus petites des logements étudiés (85 m² contre plus de 100 m² dans les autres configurations) "font prendre mécaniquement une part plus élevée" au macro-lot "Equipements techniques & finitions".

Convaincre de la pertinence du choix bois 

"Les écarts relevés sont bien en deçà des idées reçues et des chiffres régulièrement cités", fait valoir la conclusion de l'étude. En tout, 70 variantes ont été étudiées, nécessitant une année de travail à sept personnes, dont deux chez l'entreprise qui construit les pavillons servant d'exemples, un thermicien, un expert de chez Futurobois et trois étudiants pour la conception des plans et des détails 3D des modèles. Interrogé sur les limites du travail mené, Nicolas Marot nous confie : "Nous nous sommes limités au seul coût de construction. Il n'y a pas d'analyse sur la durée de vie du bâtiment mais les comportements des occupants sont trop variables pour une modélisation". Le travail d'analyse est représentatif pour la construction en région Poitou-Charentes, mais pourrait donner des résultats différents dans d'autres zones climatiques ou sismiques. Quant à Futurobois, qui espère convaincre davantage de maîtres d'ouvrages de passer à la construction bois grâce à ce nouvel argumentaire, elle tourne déjà son regard vers d'autres typologies de bâtiments, comme le logement collectif, les bâtiments publics tels les crèches ou les écoles, voire le petit tertiaire. Des études qui pourraient débuter en 2017.